« Durant la préhistoire, l’homme est allé dans les cavernes pour peindre, c’est à dire dans le noir absolu. » L’espace extérieur ne fait que perturber son espace intérieur selon les mots de Pierre Soulages, qui avait tiré une profonde inspiration de cette époque préhistorique. Cette conviction du for intérieur s’exprimera à travers le noir tout au long de sa vie artistique.
Il s’est fait connaître par des peintures abstraites appelées « Outrenoir ». Elle ne se base pas uniquement sur le noir, mais aussi sur la matière du noir et de son état de surface qui créent une lumière spécifique en contraste et en interaction avec le blanc. Reliefs, entailles, sillons dans la matière noire créent des jeux de lumière et de couleurs.
En 2009, le Centre Pompidou organisait la plus grande rétrospective consacrée à l’artiste. Décrit comme un des acteurs majeurs de l’abstraction et de la scène artistique française du 20ème siècle, l’exposition se consacrait aussi à l’avant Outrenoir, entre les années 40 et la fin des années 70. Les visiteurs pouvaient notamment admirer ses célèbres goudron sur verre où Soulages jouait encore sur l’association des oppositions : « le goudron opaque et rugueux, le verre lisse et transparent se joignent pour mettre en lumière leurs différends ». Plus intellectuellement, c’était également une manière de représenter une Europe en reconstruction dans la période d’après-guerre.
UNE MÉTHODE DE TRAVAIL ORIGINALE
Pierre Soulages n’utilisait pas les outils traditionnels pour peindre, mais des médiums parfois atypiques comme un morceau de bois ou des pièces fabriquées par ses soins : ce qui se passait sur la toile guidait le choix de l’outil. En l’occurence, ce morceau de bois produisait un effet bien plus intéressant qu’un simple pinceau pour le peintre.
Quand il travaillait, Pierre Soulages avait besoin d’être seul et il n’acceptait pas d’être dérangé par des éléments extérieurs, y compris le paysage. On retrouve à nouveau la référence à ce travail des hommes préhistoriques, seuls dans leur caverne.
La réalité de l’oeuvre d’art est un triple rapport : la peinture, le peintre et celui qui la regarde. Pour lui, celui qui la regarde fait également partie de l’oeuvre et il faut donc interagir avec lui. C’est également une pression supplémentaire sur les épaules de l’artiste. Quand une toile ne lui plaisait pas, Pierre Soulages décidait de les brûler et de recommencer. Un phénomène extrême qui a pu concerner jusqu’à 80% de ses productions sur une période donnée.
Pour constater ce jaillissement de lumière du noir, la photographie n’est malheureusement pas l’alliée idéale : il faut voir physiquement les oeuvres. Vous pouvez voir de nombreuses oeuvres de Pierre Soulages au musée Fabre de Montpellier. Sentimentalement attaché à cette ville où il a fait ses études et à ce musée où il se rendait souvent, il a bénéficié de nombreuses donations de l’artistes. A 2 heures de route se trouve également le musée Pierre Soulages dans la ville de Rodez qui l’a vu naître. Voilà de quoi remplir votre périple sudiste !