L’Hôtel Raphaël : un bastion du luxe français face à la mondialisation

Au cœur de Paris, l’Hôtel Raphaël se dresse comme un rempart contre l’uniformisation du luxe mondialisé. Ce palace, dirigé d’une main de velours par Françoise Baverez, septuagénaire à l’élégance stricte, incarne une certaine forme de résistance face à l’assaut des conglomérats étrangers dans la capitale.

Fière héritière de trois prestigieux hôtels parisiens – le Raphaël, le Régina, et le Villa Majestic & Spa – Françoise Baverez défend farouchement son patrimoine. Pendant dix ans, elle a repoussé sans relâche les offres d’achat, quelle que soit leur origine, avec un refus catégorique : « Si c’est pour acheter, c’est non ! ».

Dans un paysage hôtelier parisien en constante mutation, où les palaces cinq-étoiles changent de mains et adoptent des standards internationaux, l’Hôtel Raphaël demeure un symbole de la persistance de la tradition et du raffinement français. À deux pas de l’Arc de Triomphe, il se distingue comme une citadelle du luxe à la française, témoignant d’une époque où l’hospitalité était une affaire de passion et d’engagement personnel.

Une suite du Raphaël

L’Hôtel Raphaël marque le visiteur dès son entrée dans le palace : il n’y a pas de réception traditionnelle. Les clients sont immédiatement accueillis par un peloton de concierges, une approche personnalisée qui distingue l’établissement. Lionel Laurens, chef-concierge avec près de trente années de service, décrit l’hôtel comme un lieu où le temps s’est arrêté. Presque rien n’a changé depuis son ouverture, si ce n’est l’ajout nécessaire de la climatisation, de l’informatique, et de la télévision par satellite. Les vernis au tampon, les toiles marouflées, et les étoffes des rideaux ont été fidèlement restaurés, et les moquettes posées sur thibaude préservées. Le Raphaël est peut-être le seul palace parisien à avoir gardé intact son mobilier et ses bibelots anciens, une constance appréciée par une clientèle fidèle amatrice de boiseries et de tableaux de maître.

Croiser Gainsbourg au bar anglais, Audrey Hepburn sur le rooftop

Au fil des années, l’Hôtel Raphaël a accueilli une constellation de stars d’Hollywood, devenant le palace des étoiles. Robert de Niro y avait ses habitudes, tout comme Audrey Hepburn, qui appréciait particulièrement la terrasse pour ses vues sur les toits de Paris. Le registre de l’établissement porte les noms de figures légendaires comme Walt Disney, Ava Gardner, Grace Kelly, Errol Flynn, Burt Lancaster, Cary Grant, et Steve McQueen, témoignant de son importance dans l’histoire du cinéma.

Serge Gainsbourg, autre figure emblématique, a marqué l’hôtel de son empreinte. Séjournant régulièrement dans le même appartement avec vue sur la Tour Eiffel, il a laissé des souvenirs indélébiles, tant au bar anglais qu’auprès du personnel. La suite 404-405, habitée par Roberto Rossellini et Ingrid Bergman, puis par leur fille Isabella Rossellini avec David Lynch, est une autre page de l’histoire du Raphaël.

Entre modernité et tradition

La famille Baverez, qui dirige ces hôtels depuis des générations, incarne une gestion familiale et indépendante rare dans le secteur de l’hôtellerie de luxe. Françoise Baverez a transmis le flambeau à sa fille, Véronique Valcke, qui poursuit la tradition d’excellence avec une touche moderne. On saluera notamment le rooftop, un des meilleurs de la ville Lumière, dont la rénovation est un grand succès.

L’Hôtel Raphaël représente ainsi plus qu’un simple établissement hôtelier; c’est une institution parisienne, un témoin de l’histoire, et un symbole de résistance face à la mondialisation du luxe. Dans un monde où l’authenticité devient rare, l’Hôtel Raphaël préserve l’esprit du luxe à la française, faisant de sa résistance une marque de distinction